Le blog de Marie et Alain

Peu de chose à dire sinon que la Creuse est un beau pays mais un peu désertique tout de même. Le relief s’accentue. Je pense que la grande étape est pour demain, parce que j’ai décidé de poursuivre jusqu’aux Billanges. Du point de vue de l’altitude, ce sera l’étape la plus haute.

Nous sommes dans un gîte tenu par des anglais. Sympas, surtout lui ; elle, elle a un côté un peu commercial… Ils ont acheté trois maisons à Bénevant-l’Abbaye qu’ils exploitent comme refuges privés. A noter la nourriture anglaise…

Deux belges francophones nous ont rejoint : la quarantaine, mais de gros sacs à dos et un problème d’ampoules et de douleurs aux pieds pour l’un d’entre eux. Francis et Eric travaillent chez Arcelor-Mittal en Belgique et comme il y a du chômage partiel, ils en profitent pour aller à Saint-Jacques. Eux aussi ont choisi la voie du Nord (par la côte), comme Marleen. Ils ont pu se peser hier et l’un a perdu 9 kilos et l’autre 6. Il faut dire qu’ils sont partis de la frontière et qu’ils ont déjà 1000 km dans les jambes. Courageux les belges…

Petit déjeuner avec Jacques et Olga chez Maria qui me souhaite en partant « um bom caminho ».

Le départ est superbe. On longe la rivière, la « Sedelle » il y a des chutes d’eau et d’anciens moulins. La suite est plutôt goudronnée, mais ce sont de petites routes avec peu de circulation.

A midi, sur un sentier dans un bois, je tombe sur une boîte aux lettres avec une grosse coquille Saint Jacques et « Ultreia » marqué en très gros. A côté, des bancs et troncs d’arbre invitent à la halte. Cela tombe bien c’est l’heure du pique-nique… intrigué j’ouvre la boîte aux lettres et j’y trouve un livre avec des messages d’encouragements ou de remerciements. J’y rajoute un petit mot pour remercier à mon tour. Jacques et Olga arrivent au moment où je repars.

Petit hôtel sympa à la Souterraine (50 euros). Demain, j’ai réservé dans un gîte/chambre d’hôte tenu par une anglaise : 30 euros pour la demi-pension. J’ai entendu Jacques et Olga arriver dans l’hôtel… on ne se quitte plus!

Belle journée, belle étape. Nous sommes entrés dans la Creuse. Ce matin, jusqu’à un peu avant Eguzon, le chemin a longé la Creuse, justement, et c’était un beau cadeau !

Pour la première fois depuis pas mal de temps, je suis seul. L’amie belge a suivi ses nouveaux compagnons de route et a poursuivi sa route, l’étape était un peu trop courte pour elle (19 km). Dommage, j’aurais aimé lui souhaiter bonne route ; je ne sais pas si je la reverrai.

Dès le début, à la sortie de Gargilesse, je me suis fait doubler par le pèlerin qui était parti la veille de Cluis. Il n’avait qu’un petit sac à dos et marchait bien plus vite que moi. Arrivé à Crozant, c’est le contraire, je rencontre un pèlerin de Rozières-aux-Salines (près de Nancy) qui a deux gros sacs qu’il a installés sur une sorte d’échelle munie d’une roulette en bas et de deux brancards qu’il tient en partie par le cou et en partie par les mains… bizarre ! et avec ça il avance bien parce qu’il est parti de Vézelay 3 jours après moi et me dépasse aujourd’hui car il ne s’arrêtait pas à Crozant. C’est lui qui m’apprend que Marleen a continué.

Crozant est un petit village qui a été fréquenté par de nombreux peintres qui avaient fondé l’école impressionniste de Crozant. Aujourd’hui il reste quelques expositions de peinture, une épicerie, une boulangerie, un tabac qui vend de tout, un petit hôtel-restaurant et une forteresse en ruine démantelée par Richelieu. Je ne sais pas s’il y a beaucoup de pèlerins qui vont s’arrêter ici, car je suis seul dans ce gîte sommaire installé dans l’ancienne école. Des tapis de judo servent de matelas. Il n’y a ni eau chaude ni douche… il faut aller au camping ! Mais 4 euros, c’est 10 fois moins cher que la chambre d’hier.

Dîner avec Jacques et Olga qui ont trouvé une chambre dans le petit hôtel-restaurant sympa tenu par Maria, une portugaise.

Ce matin pas de réveil car c’est une petite étape, mais je pars tout de même à 8h15. J’ai oublié de dire que hier j’ai pu tout laver car il y avait un sèche-linge, donc ce matin j’ai un pantalon long tout propre.

Avant de quitter le refuge je prends en photo une très belle prière dont voici les paroles:

Belle petite étape. On arrive sur Gargilesse par le haut et on ne découvre le village qu’au dernier moment. Très beau petit village. Je trouve mon hôtel facilement : l’Hôtel des Artistes !

Après midi relax, visite du village… la maison de Georges Sand (en Berry), mais surtout l’église et sa crypte avec de superbes fresques du XII siècle et une vierge à l’enfant en bois polychrome très jolie.

Ce soir nous sommes 8 : 4 au gîte et 4 à l’hôtel. C’est que les voies Nord et Sud se sont rejointes, la densité de pèlerins augmente. Jacques et Olga qui, finalement, ont changé d’avis et sont venus jusqu’ici, ainsi qu’un pèlerin allemand sont à l’hôtel. Marleen est au gîte avec trois français dont un qui est parti de chez lui, à Cluis, ce matin. C’est son premier jour. Les autres sont passés par Bourges.

Excellent repas à l’hôtel. Pas de doute, le cuisinier est un artiste ! J’éprouve tout de même une gêne : je suis à l’hôtel alors que d’autres sont au gîte. J’avais pris cette décision hier dimanche, car je n’avais aucune provision dans mon sac, qu’aujourd’hui on est lundi et que l’expérience montre que beaucoup de commerçants ferment le lundi, et qu’enfin le topo-guide indiquait qu’à Gargilesse il n’y avait aucun commerce. Toujours la même chose : la peur de manquer… Or le gîte est très bien (chambres individuelles !), il n’y a pas de commerces mais il y a des restaurants… Bref, j’ai encore choisi la sécurité et le confort, je ne suis pas encore un vrai pèlerin. Marleen, elle, est au gîte…

J’ai pris en photo quelques tableaux dans une exposition, un peu pour eux mêmes, mais plus pour les petites phrases qui les légendent :

• ce ne sont pas les autres qu’il faut changer mais vous même
• se libérer du connu c’est mourir, et alors on vit
• tant qu’un homme ne se met pas, de son plein gré, à la dernière place, il n’est pas de salut pour lui

Elles alimenteront mes réflexions pendant les marches de ces prochains jours.

Départ de l’hôtel à 7 heures 30. Quelques minutes plus tard, rencontre avec Marleen qui a quitté son Auberge de Jeunesse de bonne heure également. On sort de la ville ensemble, puis je la laisse filer. Par la suite je la doublerai à une halte et ne la reverrai plus avant Neuvy-Saint-Sépulchre.

Je suis arrivé à la Basilique de Neuvy vers 11 heures 45 au beau milieu de la messe. J’étais bien content ! A la fin de la messe quelques personnes sont venues me voir « vous êtes un Compostelle ? ». L’une d’elles Michèle, me demande de prier pour elle là-bas. Marleen me rejoint. Nous pique-niquons à la sortie de Neuvy près du petit lac.

Arrivés à Cluis une personne nous interpelle de son premier étage et nous indique que pour le refuge-pèlerin « faut s’adresser à l’arabe, en face de l’église » !… Effectivement il y a une épicerie en face l’église et de plus c’est la fête au village, la fête des escargots ! Cela fait 3 jours qu’ils mangent des escargots ! Notre épicier arabe très sympathique téléphone à la responsable du refuge qui nous accueille. Il y a 4 lits et 1 divan. Assez rapidement on se dit qu’il va y avoir surcharge parce qu’en plus de nous quatre doivent arriver deux cyclistes allemands. En fait Jacques et Olga trouveront une chambre d’hôte.

Nous prenons l’apéro et échangeons nos adresses car il nous semble que nous ne reverrons plus Jacques et Olga qui suivent les étapes proposées par un autre topo-guide.

Dernière de la longue série des étapes à 30 km ou plus ! Je suis content d’en être arrivé là. En plus c’est peut-être la plus belle, sous un super soleil.

Au départ le patron de l’hôtel prend chacun de nous en photo pour alimenter son album. Il me fait un tel éloge du parcours que je renonce à mon projet de raccourci.

Au bout de deux heures je rattrape Marleen qui se restaure, elle me rattrapera à son tour à Châteaumeillant. Pour finir elle arrivera à la fin de mon repas pique-nique et nous finirons le trajet ensemble jusqu’à la banlieue de La Châtre où chacun va vers son lieu d’hébergement, elle à l’Auberge de Jeunesse, moi dans un hôtel. A part une petite erreur de parcours RAS.

Jacques et Olga sont dans le même hôtel !

Je n’ai pas pris le chemin du guide officiel mais celui proposé pour les vélos par le guide Lepere. Beaucoup de goudron certes, mais très peu de circulation et très beaux paysages.

Petit hôtel simple et sympa à Le Châtelet : l’Hôtel du Pont Bayard. Comme il est fermé ce soir à cause du 1er mai, ils nous fournissent une glacière avec le dîner. Je dis « nous » car nous devrions être 5 : Jacques et Olga, Marleen, un cycliste encore jamais vu et moi. Pour l’instant je suis le premier.

A l’accueil, on me fait remplir un petit questionnaire plus complet que d’habitude car je suis invité à expliquer les raisons pour lesquelles je fais le pèlerinage à Saint-Jacques. C’est l’occasion pour moi de repenser aux raisons qui m’ont amené ici : un désir très ancien, comme une sorte d’appel auquel j’ai aujourd’hui le temps nécessaire pour répondre ; le besoin de faire le point sur moi-même ; réfléchir à ce que je vais faire de cette page blanche qu’ouvre le droit à la retraite ; surtout, je crois, cette quête du visage de Dieu… Chaque fiche ainsi remplie rejoint un album et est complétée par une photo que le patron prend au moment de notre départ. Ce dernier semble mordu par le Chemin et par le Berry ; vers 15h sa femme et lui ferment l’hôtel et partent, il est habillé en berrichon.

Petit à petit, tout le monde arrive, mais chacun s’enferme dans sa chambre, c’est dommage. Je me suis installé dehors pour dîner et le cycliste allemand m’a rejoint pour examiner ses cartes. Il compte arriver le 28 mai… pas de doute le vélo c’est autre chose, un autre esprit. Je ne suis pas sûr d’être converti à la marche à pied. Par exemple : demain, nous devons rejoindre La Châtre en 31 km… à vélo : 17 km !… Monsieur l’allemand, tu m’as mis le doute dans l’esprit. A part cela, l’anglais c’est vraiment indispensable !

Lever de soleil splendide ce matin à travers la brume. Le clocher de l’église de Valigny faisait des ombres chinoises.

Me voici dans un hôtel à Saint-Amand-Montrond, seul. C’est la seconde fois depuis mon départ. Ce matin Marleen, Philippe et moi avons marché ensemble, mais isolés (à 100 mètres les uns des autres) jusqu’à Aimay-le-Château où Philippe a souhaité nous quitter car il va s’arrêter à Charenton-du-Cher et ne souhaite pas y arriver trop tôt. Nous étions un peu émus de nous quitter car il est très probable que nous ne le reverrons plus.

Marleen et moi continuons donc seuls, mais une heure plus tard je la perds !… Elle s’est arrêtée sans prévenir ; je fais des courses à Charenton-sur-Cher et comme elle ne réapparaît pas, je décide de continuer. Je sors du chemin officiel pour marcher le long du canal de Berry comme suggéré d’ailleurs par le guide et je trouve un coin agréable pour déjeuner sur l’herbe. Il fait enfin beau et j’étrenne la protection solaire. Je continue le long du canal jusqu’à retrouver le chemin et à ce moment là… Marleen y arrive en même temps. Nous finissons donc ensemble et nous nous quittons à Saint-Amand-Montrond : elle va au camping et moi à l’hôtel.

Après la douche, je vais en ville faire mes courses car demain c’est le premier mai. J’y rencontre Jacques et Olga, déjà vus à Prémery. Ils font la même étape que moi demain et descendront dans le même hôtel. Un peu plus tard, alors que je mange seul dans un restaurant, je les vois rentrer dans ce même resto. Nous avons donc dîné ensemble. Ils ont été étonnés de savoir mon âge car ils parlaient de moi en disant « le jeune » ; en fait, elle est de 44 comme moi, et lui de 42. C’est eux qui ont attrapé le virus du pèlerinage et font toutes les variantes possibles. Cette année, c’est la Voie de Vézelay.

Marie-Pascale m’a téléphoné pendant le dîner. Elle a parfaitement compris ce que je lui demandais dans ma carte de Vézelay. Tant mieux ! Je compte sur elle.

« Ce matin il pleut ! » c’est Philippe qui annonce cela quand je me lève à 6h30. Lui il est levé depuis au moins une heure. J’ai su que c’était parce qu’il lisait un livre qu’il a acheté au Québec avant de partir et qu’il médite ensuite en route. Drôle d’homme ce Philippe. Il a tout quitté, notamment l’entreprise où il avait des actions avec son père et son frère et a démissionné ; il se considère en retraite alors qu’il n’a que 55 ans. Il raconte des trucs avec son inimitable accent québécois… bref je crois qu’il est en recherche de quelque chose à vivre et ce n’est pas par hasard qu’il est sur le Chemin de Saint-Jacques. C’est Philippe qui expliquera à Marleen la façon de marcher avec deux bâtons et d’en tirer le meilleur profit.

Philippe est un peu lent à se préparer. Il nous avait dit qu’il partirait de bonne heure parce qu’il n’a jamais fait 32 km, mais à 7h40 nous partons tous les trois sous la pluie. Je leur ai expliqué ma façon de voir sur le choix de l’itinéraire si bien qu’au bout d’une demi-heure nous nous quittons. Eux suivent scrupuleusement le chemin de leur guide et moi je consulte les cartes de deux guides et invente ma solution ! Chose curieuse ni Philippe, ni Marleen ne consultent leurs cartes : ils suivent le descriptif du chemin sans regarder la carte… J’en serai incapable, je fais même exactement l’inverse. Aujourd’hui l’étape est longue, 32 km, et avec mes options je compte la raccourcir de 4 km.

J’arrive donc à Valigny à 14 heures 30. Je suis l’unique client pour l’instant et la patronne m’offre un café et parle un peu. Elle a l’air très triste.

La pluie s’est arrêtée au bout de deux heures mais il fait assez froid. Petit à petit le temps change et alors que j’écris ces lignes dans la chambre de l’unique hôtel de Valigny, il fait beau, le ciel est joliment pommelé.

Le rituel est maintenant établi : douche, lessive, téléphone à Marie, préparation de l’étape de demain, réservation de l’hébergement, lecture de la Bible, détente, écriture.

A 16 heures 30  Philippe et Marleen arrivent ensemble. Philippe a l’air bien fatigué et déclare que demain il s’arrête à Charenton-sur-Cher, soit 18 km. Nous dînons tous les trois ensemble.

Nous sommes dans l’Allier. C’est notre troisième département (Yonne, Nièvre, Allier).

En quittant Nevers ce matin, j’ai traversé la Loire majestueuse. Il devrait faire beau puisque je suis maintenant au sud de la Loire.

J’expérimente ce soir l’APD (Accueil Pèlerins à Domicile). Je suis à la sortie de Saint-Pierre-les-Moutiers en direction de l’étape de demain. L’accueil est très sympathique : une dame a créé dans une dépendance de sa maison, une espèce de refuge : un dortoir de 3 lits, une chambre, une cuisine, une pièce repas, toilettes et salle de bain avec… luxe suprême : un radiateur qui chauffe ! C’est un radiateur en hauteur pour faire sécher les serviettes. Du coup j’ai pu faire une nouvelle lessive. Une hier et une aujourd’hui, je suis propre.

La femme qui nous accueille a déjà fait le pèlerinage deux fois en vélo. Elle nous fournit tout ce qu’il faut pour faire le dîner mais c’est à nous de cuisiner. En échange on donne ce qu’on veut.

Philippe, un québécois de 55 ans est arrivé un quart d’heure avant moi mais il n’a fait qu’une demi étape. Quand je dis mon âge il répond, flatteur : « J’aimerai bien en faire autant quand j’aurai votre âge ! »…

Lorsque je sors de ma douche je trouve Marleen, qui vient juste d’arriver. Elle voulait aller au camping mais il est fermé et pour des raisons de budget bien compréhensibles elle évite d’aller ailleurs que dans les refuges et les campings ; en contre-partie ça l’oblige à transporter une petite tente de 2 kg ! Pas de chance, demain à Valigny le camping est aussi fermé, il n’y a qu’un hôtel. Philippe lui propose de prendre une chambre pour deux. C’est Marie-France, notre hôtesse, qui lui réserve la chambre. Ce sera dans le même hôtel que moi, puisqu’il est unique.

Aujourd’hui je pense avoir fait 31 km. Il a fait plutôt beau mais froid et deux bonnes averses sont venues rompre la monotonie de la marche. A mi chemin se situe Magny-Cours et son circuit automobile et l’on entend de très loin le bruit rageur des moteurs en sur-régime. Sinon, rien de particulier à signaler à part 1 km environ de marche le long de la RN7 ; il y a des plaisirs plus subtils…