de Lavacolla à Santiago de Compostela (66e jour)

La musique de la fête a fini par se taire vers 4h du matin. La pluie avait eu raison des plus endurants.

Départ à 6h malgré la distance (10 km), question d’habitudes ! La pluie tombe toujours, une petite pluie fine et gentille. La dernière étape sera parcourue sous les ponchos et capes de pluie.

Une heure plus tard nous étions au Monte do Gozo où les pèlerins autrefois pouvaient voir Santiago pour la première fois. On dit que celui qui le voyait le premier était le roi du pèlerinage. Aujourd’hui la végétation empêche de voir la cathédrale et l’on aperçoit guère qu’un peu des faubourgs de la ville. N’empêche… L’émotion est palpable. Le pape Jean-Paul II était venu ici et avait réuni une multitude de jeunes. Il en reste un monument et un énorme camp qui sert toujours de refuge. Une scène illustre chaque face du monument, l’une d’elle évoque Jean-Paul II et une autre François d’Assise. On se sent tout petit après d’aussi illustres prédécesseurs. Encore qu’ils n’ont pas fait le pèlerinage de la même manière !

Vingt minutes plus tard nous entrions dans Santiago. Mes compagnons de route n’ayant pas comme moi, la chance d’avoir des amis qui habitent dans la région, il leur faut déposer leurs sacs à dos dans un gîte. Nous trouvons celui-ci rapidement, mais comme il n’ouvre qu’à 9h, je les laisse là et nous nous donnons rendez-vous vers la cathédrale dans la matinée, avant la messe.

Je fais la dernière demi-heure seul et heureux, goûtant avec émotion chaque minute qui me rapproche de la place de l’Obradoiro. Le Chemin pénètre dans la vieille ville par le nord que je ne connais pas et ce n’est qu’au dernier moment que je comprends par où je vais arriver. Il pleut toujours de ce petit crachin lorsque je débouche sur la place de l’Obradoiro. Il est un peu plus de 8 heures et demie et la place est presque déserte, ce qui me permet de remarquer Thomas qui se trouve là. Il est arrivé la veille. Nous nous congratulons et il me prend en photo…

Thomas m’accompagne ensuite au bureau des pèlerins pour que je puisse obtenir la Compostela, ce document écrit en latin qui atteste que je suis devenu un « jacquet ». Je suis content de voir que mon prénom est « Alanum », j’avais peur que ce fût « Alanus »… (On m’a dit depuis qu’en latin, « Alanus » devient « Alanum » à l’accusatif). Chose amusante, le bureau n’ouvrant qu’à 9 heures, nous sommes une bonne vingtaine à attendre en faisant la queue comme nous avons si bien appris à le faire à la porte des refuges, mais aucun de nous n’a posé son sac à dos. Dans la joie de notre arrivée, nous ne le sentons tout simplement plus.

Je retourne ensuite sur la place pour attendre Marie et nos amis Eduardo et Zulma, ainsi que mes compagnons du Camino Francés qui ne devraient pas tarder. Ce sont eux en effet qui arrivent les premiers. Ils vont à leur tour chercher leur Compostela. En attendant Marie je rencontre les deux françaises du Camino del Norte qui, c’est ballot, sont en panne d’appareil photo -la batterie- au moment de faire La Photo ! Je la fais donc avec le mien et nous échangeons nos adresses mail.

J’envoie quelques SMS pour annoncer que je suis arrivé. Michel me félicite, Marleen également en ajoutant : « un chemin à ne jamais oublier, et il continue ». Je téléphone à Marie-Pascale. Nous sommes contents d’être arrivés.

Marie, Eduardo et Zulma arrivent enfin. Nous nous embrassons avec beaucoup d’émotion… Puis, on pense aux choses pratiques : ils sont venus avec deux voitures et me montrent où ils ont laissé la nôtre pour que je sois libre de ma journée. Je laisse enfin ce sac à dos qui ne m’a pas quitté depuis 66 jours dans le coffre de la voiture et enfile pour la première fois une chemisette ! C’est qu’il s’agit d’être propre et présentable pour la messe des pèlerins qui a lieu tous les jours à midi. Je retourne avec Marie vers mes compagnons de chemin tandis qu’Eduardo et Zulma retournent chez eux.

Il se murmure dans le milieu pèlerin que le « botafumeiro », un énorme encensoir accroché à la voûte de la cathédrale et balancé religieusement mais vigoureusement, n’est sorti que le dimanche et que ce spectacle, unique, est garanti. En conséquence il est vivement conseillé d’arriver largement en avance. A 10h20 nous entrons tous les six dans la cathédrale. Une messe est en cours et nous nous asseyons sagement. A la fin de la messe, nous changeons de place pour être mieux placés et retrouvons Ana et Antonio qui, comme nous, veulent participer à cette messe qui doit clore notre Chemin, sans perdre une miette du spectacle du « botafumeiro ». Nous attendons encore une heure et à midi la messe commence… Eh bien, il n’y eut pas de « botafumeiro ». Ce qui se murmurait dans nos rangs n’était qu’une rumeur !

Il n’empêche… Cette messe des pèlerins débute par une longue litanie des villes de départ des pèlerins arrivés ces dernières vingt-quatre heures. On annonce la ville et le nombre de pèlerins de chaque nationalité partis de cette ville. C’est assez impressionnant. Il est impossible de les compter bien sûr, mais je ne serais pas surpris si on me disait qu’il était arrivé 200 pèlerins ce jour là. Mais de Vézelay, il n’en était arrivé qu’un et c’était moi.

A la sortie de la messe, nous avons retrouvé Nilo et Vergília, nos deux brésiliens. Il paraît que l’autre couple est arrivé la veille et est déjà reparti pour un programme touristique avant de regagner le Brésil.

Beaucoup d’émotions et de larmes au moment de quitter Ana et Antonio. Ana a remis à Marie deux cadeaux pour Sara.

Nous allons manger une dernière fois ensemble, tous les six, écrivons une carte postale pour Sara… et voilà… C’est l’heure de la séparation, c’est aussi la fin de ce Chemin. Un autre commence…

“Tu ne perds jamais ton temps à marcher à côté d’un autre homme” (dicton africain)

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