Hier soir nous avons eu de bons échanges avec Philippe N., l’hospitalier, sur son expérience à lui, qui a fait le Chemin en entier, et sur le début de la nôtre.
Le soir j’ai repassé dans ma tête le chemin déjà parcouru par mes jambes, ma tête et mon coeur… Aujourd’hui je n’ai plus peur de la longueur des étapes, de la distance qui nous sépare encore du but ; d’ailleurs j’ai compris que l’importance n’est pas le but mais le chemin. J’ai progressivement accepté le dépouillement nécessaire, l’inconfort des gîtes (je ne vais plus dans des hôtels réconfortants), j’ai ce qu’il faut comme nourriture dans le sac à dos, sans plus. Ce dépouillement me rend disponible ; disponible au chant des oiseaux, aux odeurs de la campagne, aux gens qu’on rencontre… Le matin, je marche en disant la prière du coeur : « Seigneur Jésus, fils de Dieu, prends pitié de moi, pécheur » et je m’efforce de penser que je marche en présence de Dieu, comme il est dit dans la prière du prêtre à la messe : « … et nous te rendons grâce car tu nous as choisi pour servir en ta présence ». Comment percevoir que l’on vit en la présence de Dieu si on a le coeur occupé par mille choses ? « Là où est ton trésor, là sera aussi ton coeur ». Le Chemin m’a forcé au dépouillement matériel et je sens que j’ai le coeur libre.
Je médite souvent les phrases de l’Angélus, surtout celles-ci : « Voici la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon ta parole » et « Et le Verbe s’est fait chair ; et Il habita parmi nous ». Il y a une relation de cause à effet entre l’acceptation de Marie et la venue de Jésus. Je me mets à penser qu’il peut en être de même aujourd’hui : si nous sommes capable de redire « Voici la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon ta parole », nous deviendrons porteurs de Dieu et Il habitera de nouveau parmi nous.
Petite étape de 20 km. C’est la première fois que je ne fais pas l’étape seul. En fait je suis parti seul, mais j’avais oublié de passer chez le boulanger ; là j’y retrouve Marleen et on part ensemble. Un peu plus loin on est rejoint par Jean et René, les nouveaux, qui, plus loin encore, nous quittent car n’ayant pas de guide, ils suivent les flèches du Conseil Général de Gironde. A La Réole nous les retrouvons et Jean, qui est de la région, nous fait visiter. Il y a quelques très belles choses près de l’église Saint Pierre… Au cours de cette visite, nous faisons la brève connaissance d’un couple de pèlerins belges plutôt plus âgés que nous.
Nous nous retrouvons tous les quatre autour d’une bière à la terrasse d’un bistrot. Eux attendent l’ouverture du « SPAR » pour faire des courses et moi j’attends 17 heures où l’on doit venir me chercher pour la soirée et la nuit : il existe à La Réole une association de gens volontaires pour héberger des pèlerins ; il y a deux jours j’ai téléphoné à cette association et l’on m’a demandé de rappeler le lendemain pour savoir où j’allais dormir. Hier soir on m’a donné rendez-vous à 17 heures devant l’église.
Marleen qui est partie au terrain de camping revient bientôt : le terrain est fermé pour travaux mais des ouvriers lui ont dit de revenir s’installer plus tard, ils ne diront rien. Moi, je fais un peu de courrier, puis je remonte à l’église pour mon rendez-vous.
A 17 heures une kangoo s’arrête et une dame, Bénédicte, charge mon sac. Direction une quinzaine de km à l’ouest où elle m’installe dans la chambre de sa fille Pauline qui va squatter la chambre d’un grand frère. J’ai donc une grande chambre et une salle de bain pour moi tout seul. Nouvelle balance dans cette salle de bain : 75 kg. C’est encore moins qu’avant hier où j’avais lu 77 kg…
Dîner sympa en famille dans la cuisine. Je réussis à négocier un départ vers 8 heures demain matin. C’est l’opération délicate !…