Je suis à Nevers, chez les Sœurs de la Charité. C’est là qu’est Bernadette Soubirous à qui j’ai été dire bonjour dès mon arrivée. Je suis bien installé mais j’ai été surpris par le prix : entre hier et aujourd’hui c’est pratiquement le même prix : 50 euros.
La journée s’est bien passée. Ciel en grande partie couvert mais sans pluie. J’ai dit adieu ce matin à Gérard et Colette que je ne reverrai probablement pas. On s’est promis de prier les uns pour les autres à Santiago. La pèlerine belge était partie sans petit-déjeuner. L’autre couple, Jacques et Olga, flânait un peu mais ils doivent être à Nevers ce soir également. Jacques ce matin a fait une belle gaffe, de celle dont on a du mal à se dépêtrer : il a demandé à la patronne si c’était son père qui était à la cuisine… C’était son mari !
Fidèle à mon truc de ne pas faire de kilomètres inutiles quand c’est possible, j’ai pris la départementale qui relie Prémery à Guérigny en marchant dans l’herbe du bas côté qui est large. J’ai fait ainsi 15 km au lieu de 18. Un peu plus loin alors que je m’étais arrêté dans un bois pour faire un petit pipi, au moment de me remettre en route j’ai vu un marcheur qui venait vers moi. J’ai attendu et j’ai bientôt compris que c’était la belge qui était bien surprise de me trouver là. Nous avons marché alors ensemble, mais il a fallu que je fasse un effort parce qu’elle marche beaucoup plus vite que moi, style coureur de marche à pied en s’aidant de ses deux bâtons. Elle s’appelle Marleen, est flamande, a 62 ans, six enfants, veuve et retraitée. Nous nous sommes arrêtés à la porte d’un cimetière parce qu’il y avait des bancs et nous avons pique-niqué. Eh bien ma belge n’avait rien ! On a donc partagé mes ressources car j’en avais facilement pour deux dans mon sac.
Je crois que j’ai pris là ma première leçon du Chemin : Marleen n’avait rien à manger dans son sac, alors que moi j’en avais pour deux ! Toutes les peurs que j’avais au départ tenaient surtout dans ceci : je ne sais pas vivre au jour le jour, m’en remettre à la Providence, ne pas me charger de l’inutile. Plus que l’appréhension de l’effort physique, c’était la peur de ne pas trouver de quoi manger, ou bien de ne pas savoir où dormir… J’ai compris tout de suite que c’était elle qui avait raison. Elle m’a d’ailleurs expliqué que quand elle achetait un gâteau de riz par exemple, elle le mangeait tout de suite pour ne pas s’encombrer ; c’était pour parfaire la leçon… Les recommandations de Jésus à ses disciples dans l’Evangile ne disent pas autre chose : n’emportez rien d’inutile, prenez ce qui se présente et rien de plus. J’avais déjà eu l’intuition de cela quand j’ai préparé mon sac à dos : deux tee-shirts, deux slips, deux paires de chaussettes, un pantalon, un pull… il faudra vivre avec cela et rien que cela pendant plus de deux mois. Marleen en remettait une couche…
A l’entrée de Nevers nous nous sommes séparés car elle était attendue dans un «Accueil Pèlerins à Domicile». Je vais expérimenter cela demain. Il semble qu’il s’agisse d’anciens pèlerins qui accueillent maintenant ceux qui passent. Quelqu’un s’est proposé spontanément de l’accompagner en voiture chez cette famille car ce n’était pas du tout dans la banlieue par laquelle nous arrivions à Nevers.
Vers 17 heures, je suis retourné voir Bernadette et là… une messe en hollandais commençait. Depuis mercredi, j’ai eu chaque jour une messe, sauf hier Dimanche. Au dîner nous étions 5 : un couple de japonais âgés qui ne parlaient que japonais ou anglais, deux françaises et moi. C’est incroyable ce que les japonais connaissent de la France et de l’Europe. La dame était incollable : quand j’ai dit que je venais de Nancy, elle a cité «Art nouveau» et «macarons» ! Mais la conversation était difficile.